[La vie à bord]

Aravià aura effectué toutes les tâches/corvées sans rechigner, se trouvant finalement bien fatiguée dans la soirée où elle ne s'est pas attardée avec le groupe. Après la relativement courte discussion, elle se sera éclipsée avec Dwellian - comme toujours - vers un coin du bateau pour y dormir (n'en déplaise à Shylz !).

On aura vu le duo dans un hamac jusqu'au petit matin, Aravià se servant encore et toujours de Dwellian comme oreiller. Ils se seront montrés ensuite - à priori - frais et disponibles le lendemain, prêts à laver du pont.

Comme prévu, Anémyce patienta l'enfant aux bordures de la ville. Le soleil était levé depuis deux bonnes heures, quand la petite arriva auprès de la rouquine. La grande femme attendait contre un arbre, légèrement armurée, les bras croisés avec pensée contre l'écorce sèche et lisse d'un arbre typiquement sudiste. Elle détailla Sarah avec un maigre sourire et leva derechef le menton vers la cime. « Aujourd'hui, escalade. »

« Ces arbres sont hauts et ont l'écorce lisse et maigre. Je veux que couteau au clair, tu grimpes celui-ci et marque d'un trait sa cime. A toi de te débrouiller pour la façon de faire. Mais je peux te conseiller de garder le couteau en bouche pour pouvoir pleinement utiliser tes deux mains. Oh bien sûr avec cette température, tu sentiras ta salive s'assécher assez rapidement dans ta bouche, mais il faudra faire avec. 

« Sens-toi tomber et marque l'arbre là le plus haut où tu auras été avant la chute. Recommence jusqu'à atteindre la cime. Si tu n'y arrives pas ce matin, nous recommencerons demain, et ainsi de suite jusqu'à ta réussite. »

Ceci dit la grande rouquine se retira de l'objet de son entraînement, et nonchalamment alla se poser sur une grande pierre blanche non loin, commençant à observer la petite.

Elle la regardera faire toute la matinée, qu'elle y arrive ou non, qu'elle en chie, qu'elle en bave ou qu'elle se montre exceptionnelle. Anémyce la dispensera de tout encouragement et de tout conseil, se contentant de la suivre du regard. 

A chaque chute, elle agrémentera la douleur d'un « Recommence » ou d'un « Encore », à chaque nouvelle marque un peu plus haute sur l'écorce, elle lui lancera parfois un caillou.

« Réessaie. »

Aravià continue de s'occuper des diverses corvées qu'on peut lui donner sans rechigner - et elle se débrouille plutôt bien dans ce qu'on lui donne à faire. Elle ne refusera pas non plus une conversation proposée, essayant tant bien que de mal à se faire à la vie de l'équipage.

Et sans cela, la veille, on l'aura vue s'éclipser assez rapidement - ayant un comportement relativement étrange (peut-on toujours dire cela avec elle ?). Les plus curieux l'auront vue rejointe par Dwellian, et les plus fouineurs encore auront pu les trouver à l'aube en train de se reposer, l'un contre l'autre - et n'en déplaise à Shylz, ils se reposaient vraiment!

Le cadran de sa montre présentait la cinquième heure du matin quand Anémyce se réveilla. Par respect pour Eyaell Valorians, la gardienne s'était reposée sur un matelas conformément aux conseils de la femme aux cheveux blancs. Cela contribuait à diminuer ses douleurs dorsales, elles qui se manifestaient de plus en plus quotidiennement au fur et à mesure qu'Anémyce prenait de l'âge. Et de l'âge, la rousse en prenait furieusement.

Elle alla dérober un seau d'eau frais pour se tremper le visage. D'un geste de pouce et d'un souffle elle se libéra les narines puis termina en se lavant les mains. Un jour de plus loin de toi.Le regard porté sur l'horizon au travers d'une ouverture boisée, elle se peignit avec la précision d'une grande femme. Ses cheveux incarnaient son péché mignon, elle y portait une attention toute particulière, bien plus qu'Anémyce pouvait le faire pour ses vêtements ou son apparence, voire parfois son hygiène corporelle. A la voir se brosser ainsi, on lui enlevait des années. La rousse devenait une bien jeune poupée durant son office, rêveuse et pénétrée dans le regard, une douce femme, innocente et particulièrement silencieuse.

Sa courte et relative toilette terminée, elle s'habilla légèrement. Une bonne heure au total pour qu'elle enfile ses cuirs écailleux et bleuâtres, ainsi que ses bottes et sa ceinture. Porter l'armure était une épreuve difficile et au quotidien éprouvante. Le poids, la chaleur et le manque de liberté, tels étaient les fardeaux de celui qui voulait assurer sa survie. Heureusement, Greenhall se dispensait de ses pièces de torses et d'épaules, ces derniers temps, de manière à mieux endurer le soleil d'été de Cabestan. Une chaleur extrême et sèche, frappante sur sa peau blanche et son corps malingre aux proportions elfiques.

Qu'as-tu à me dire, aujourd'hui, toi qui te lève si lentement ? Ses yeux se tournèrent vers le soleil. Il se levait à peine, pourpre et tranché par l'horizon d'un bleu clair et lumineux, dans le lointain brumeux. La montre affichait bien plus que la sixième heure. Il était plus que temps de bouger. Alors Anémyce quitta la pièce du navire, marchant à grands pas sonores sur le bois craquant et chantant du navire, et elle gagna le pont, ainsi que l'air iodé du dehors. Elle inspira, les mains sur les hanches. La femme débuta ses étirements, comme elle savait chaque fois les faire. Elle profitait toujours de la solitude matinale pour cela, de manière à pouvoir explorer sa vaste étendue d'exercices sans craindre le moindre regard, ou la moindre gêne. Il fallait qu'elle entretienne ses muscles, elle le savait. Maintenant, il lui était plus fatal de se fouler, plus fatal de se négliger. La moindre erreur était fatale, au final, aussi la moindre erreur n'était pas tolérable à ses yeux.

Dans les faibles murmures marins contre la coque du Talandra et le vent doux du matin, elle entendait clairement son cœur battre à vive allure. Il indiquait de sa danse qu'elle était prête. Aussi Anémyce cessait ses exercices pour abandonner le bâtiment naval et gagner Cabestan au pas de course. Il fallait manger un bout. Comme à chaque fois, un jus de baie et une salade, ainsi qu'un morceau de viande fraîchement chassé par un habitant de la ville. La rousse n'hésitait pas à dépenser énormément dans ses repas, car elle savait que la qualité primait sur son état physique. Son repas pris dans la solitude terminé, elle bu un verre d'eau bien sucré, de manière à contrer toute hypoglycémie jusqu'à la mi-journée. Derechef Anémyce alla au point d'entraînement où viendrait bientôt la rejoindre la petite Sarah.

Elle garda le silence jusqu'à ce moment, pensive, rêveuse. Elle refaisait son monde, quand personne n'était autour. Elle le questionnait, se questionnait par la même occasion. Le calme était pour elle profitable. Une rareté coûteuse et appréciable, de goût. Le terrain se résumait à un espace sableux bien jaune et sec qui ressemblait en tout point au reste des Tarides. Une grande pierre se trouvait au pied d'un long cocotier tout frêle non loin de l'entrée de la ville. Il était d'une hauteur incroyable, tel un cheveux, imperceptiblement large à la base, incroyablement fin à son bout. Ni branches, à peine quelques feuilles et dénudé de ses fruits, il était porteur de nombreuses marques faites au poignard au bas de son maigre tronc. Anémyce s'était posée sur le rocher blanc et large, elle mirait la cime du fruitier exotique. Je me sens bien seule à honorer nos habitudes sans toi, petite sœur.